Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme une torche de Furie. Puis, brusquement, elle se radoucit : « Voilà mon frère… »

Le store rustique s’écartant laissa passer dans un flot de lumière blanche la haute taille de Valmajour suivi d’un petit vieux à face rase, calciné, contourné et noir comme un pied de vigne malade. Le père ni le fils ne s’émurent plus qu’Audiberte des visiteurs qu’ils recevaient, et sitôt la première reconnaissance, prirent place autour du grand-boire renforcé de toutes les victuailles tirées de la berline, devant lesquelles les yeux de Valmajour l’ancien s’allumaient de petites flammes égrillardes. Roumestan, qui n’en revenait pas du peu d’impression qu’il produisait sur ces paysans, parla tout de suite du grand succès de dimanche aux Arènes. C’est cela qui avait dû faire plaisir au vieux père !…

« Sûrement, sûrement, bougonna le vieux, en piquant ses olives avec son couteau… Mais moi aussi, de mon temps, j’en ai eu des prix de tambourin. » Et dans son mauvais sourire se reconnaissait le même tournement de bouche qu’avait la colère de sa fille tout à l’heure. Très calme en ce moment, la paysanne était assise presque a terre sur la pierre du foyer, son assiette aux genoux, car, bien que maîtresse au logis et maîtresse absolue, elle suivait l’usage provençal qui ne permet pas aux femmes de prendre place à table avec les hommes. Mais de cette position humiliée elle suivait attentivement tout ce qu’on disait, remuait la tête en attendant parler de la fête aux Arènes. Elle n’aimait pas le tambourin, elle. Ah !