Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/141

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ni ville, ni port, ni constructions d’aucune sorte, on avait un tel besoin de s’espacer, de se détendre, que le débarquement sur cette île déserte leur semblait un soulagement, une vraie joie. Le notaire Cambalalette, le cadastreur, les avait même égayés d’une chansonnette comique sur le cadastre océanien. Ensuite étaient venues les réflexions sérieuses.

« Nous décidâmes alors, dit Bézuquet, d’envoyer le navire à Sydney pour en rapporter des matériaux de construction et vous faire passer la dépêche désespérée que vous avez reçue. »

De toutes parts des protestations éclatèrent.

« Une dépêche désespérée ?…

— Quelle dépêche ?…

— Nous n’avons pas reçu de dépêche… »

La voix de Tartarin domina le tumulte :

« En fait de dépêche, mon cher Bézuquet, nous n’avons eu que celle où vous racontiez la belle réception que vous avaient faite les indigènes et le Te Deum chanté à la cathédrale. »

Les yeux du pharmacien s’élargissaient de stupeur :