Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/333

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Après tant d’agitations, tant d’aventures, ce grand repos de ma vie ne me déplaît pas. Je prépare un volume de vers provençaux, Li Gingourlo (Les Jujubes). Dans le Nord on ne connaît les jujubes que comme produit pharmaceutique ; ici ces fruits du jujubier sont de petites olives rouges, croquantes et charmantes, sur un arbre au feuillage clair. Je réunirai dans ce volume mes paysages, mes vers d’amour…

Pécaïre ! je la vois quelquefois passer, ma Clorinde, longue et souple, sautillant sur les cailloux pointus de la Placette, ce qu’elle appelait là-bas « son pas du kanguroo » ; elle va à la seconde messe, son livre d’heures à la main suivie de la femme Alric, qui échelait toujours les toits et qui depuis le retour à Tarascon est passée du service de Mlle Tournatoire à celui de ces dames des Espazettes. Pas une fois Clorinde ne regarde vers la pharmacie. Rentré chez Bézuquet, je n’existe plus pour elle.

La ville a repris son aspect tranquille, réinstallé. On se promène sur le cours, sur l’esplanade ; le soir on va au cercle, à la comédie. Tout le monde est revenu, à l’exception du Père Bataillet, resté aux Philippines,