Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/270

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caprice, il en serait devenu fou. Elle aussi le voulait toujours là ; plus âgée que lui, elle n’en était que plus jalouse, et, comme ces ramiers qui passaient tout à l’heure en plein ciel d’orage, longtemps ils s’aimèrent dans les éclairs et l’ouragan. C’est encore ce que leur liaison avait eu de meilleur. Oui, ces scènes abominables, ces colères jusqu’au délire, jusqu’aux coups, tout valait mieux pour lui que l’aveulissement des dernières années, l’enlisement sinistre dans la boue du cabotinage, quand les comédiens l’appelaient « mon petit François », les contrôleurs « monsieur le marquis », et que tous le voyaient déjà mari de la Fédor, gros marchand de billets et commanditaire du théâtre. C’est vers cela qu’il allait, le malheureux, qu’il glissait tout doucement, sans passion, sans joie, par la force aveugle et lâche de l’habitude – le bercement mortel de la roulotte, – lorsqu’un jour, dans le salon de sa mère, lui était apparue celle qui allait lui apprendre les belles ivresses de la vie à deux, son divin petit Château-Frayé…