Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/234

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quatre fiacres, attirés par l’éclat des bougies, s’arrêter devant la porte ; ce qui, du reste, ne sert pas à grand’chose, car en général tout ce monde s’en va à pied, faisant, à des heures impossibles, toute la longue traite de l’omnibus absent, les jeunes filles au bras des pères, les souliers de satin enfoncés dans les socques.

Oh ! Que j’en ai vu de ces salons comiques ! Dans quelles soirées bizarres j’ai promené mon premier habit, alors que, provincial naïf, ne connaissant la vie que par Balzac, je croyais de mon devoir d’aller dans le monde ! Il faut avoir comme moi roulé deux hivers de suite aux quatre coins du Paris bourgeois pour savoir jusqu’où peut aller cette démence des réceptions quand même. Tout cela est un peu vague dans ma mémoire : pourtant je me souviens d’un petit appartement d’employé, un salon tout biscornu où l’on était obligé, pour gagner de la place, de mettre le piano devant la porte de la cuisine. On posait les verres à sirop sur les cahiers de musique et quand on chantait des romances atten-