Page:Daumal - La Grande beuverie, 1939.djvu/144

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tions de mon esprit, surtout ces deux ou trois camarades auxquels je songeais maintenant avec tristesse ; je les avais sans doute imaginés pour masquer ma solitude, tandis qu’ils étaient enfermés comme moi, chacun dans sa maison perdue en quel point du globe (si c’était un point, si c’était un globe) ? Et le vieux qui parlait toujours de la puissance des mots ? Celui-là, ce devait être un fantôme, sorti de mon cerveau avec tous mes tics intellectuels et qui, à force de me renvoyer à la tête mes propres sophismes, avait fini par me faire taire pour un moment. « Tais-toi, je te dis ! », avait-il crié, et j’entendais encore ces mots qui se prononçaient dans ma tête, et je les entends encore de temps en temps, à certaines minutes où je me laisse aller à d’agréables bavardages.