Page:Daumal - La Grande beuverie, 1939.djvu/36

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acoustique ni sorcellerie. Nous sommes ici pour ce que vous savez. Je demande qu’on change de sujet.

— Mais qui a choisi ce sujet ? répliqua le vieux. Vous m’avez accusé tout à l’heure d’avoir cassé une mandoline. Je me défends. Et je vous réponds d’abord que ce n’était pas une mandoline, mais une guitare.

— N’essayez pas de vous défiler, monsieur, ça ne prend pas.

— Je ne me défile pas, mademoiselle. Je réponds à vos questions. J’aimerais autant parler de jardinage ou d’héraldique ou de Charles-Quint, mais je vous assure que ce serait exactement le même cafouillage. Personne ici n’est capable de rester éveillé deux secondes de suite. Et quand on dort, on boit mal.

C’était péremptoire.

— Et d’ailleurs, dit Marcellin qui n’avait rien compris, vous n’avez même pas parlé des consonnes, ni du rythme des syllabes, ni des images, ni même de l’inconscient.

— Vous voyez, dit Totochabo avec un soupir.

Il reprit :

— Pour ce qui est de l’inconscient, je n’en parle peut-être pas, mais je lui parle. Que l’inconscient donc me réponde, s’il peut le faire sans en mourir.

N’ayant pas de réponse, il continua :

— Bon, j’irai donc jusqu’au bout de mes explications. D’ailleurs, tous les chemins conduisent à l’homme. Écoutez ou n’écoutez pas, mais en aucun cas n’oubliez de boire.