Page:Daumal - La Grande beuverie, 1939.djvu/58

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— La sortie, je vous dis.

Cet endroit, monsieur, n’a que trois portes de sortie, dit un des costauds. La folie et la mort.

Je compte sur mes doigts, je me trouve très intelligent et je demande :

— Et la troisième ?

Alors ils se jettent sur moi, me mettent leurs grosses pattes sur la bouche, m’empoignent comme un brancard mou, grimpent un sale petit escalier raide, dans cette position les fesses et la tête tour à tour cognent contre les marches, on arrive en haut tout déséquilibré, c’est une soupente, avec une porte basse et l’écriteau :

Infirmerie.

— Allez jeter un coup d’œil là-dedans, dit le plus gros.

J’entre et pendant que les costauds m’observaient par le trou de la serrure et quelques autres ouvertures percées exprès dans la porte, car c’était une des rares distractions qu’on leur permît, et les cloisons tremblaient de leurs rires mal contenus, je passe entre deux rangs de lits de fer où étaient couchés les malades, les blessés, les détraqués, les dessaoulés, enfin tous ceux qui avaient insisté pour sortir.