Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/157

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nier témoignage d’affection, les amis… ? Charmant petit présent d’amour !… Ah ! ah ! Ah !

— Bien dit ! Bravo ! bravo !… Est-il drôle le bourreau !… En route vers le chêne ! reprenait la foule de tous les côtés à la fois. »

Jean fut lié pieds et poings, bâillonné et chargé sur le dos de l’exécuteur. Il ferma les yeux, un peu ahuri. « À quoi aboutiraient toutes ces menaces, toutes ces propositions d’hommes ivres de vengeance ? À quoi ?… Et par quel moyen, maintenant, empêcher l’accomplissement de leurs gestes sanglants ? Les pauvres gens ! Mais ils les pleureraient, ces gestes, avec toutes les larmes de leur corps, dès qu’ils apprendraient la vérité. »

Jean ouvrit les yeux. On venait de l’appuyer brutalement à un arbre voisin du chêne où se balançait, la corde du supplice. Avec stupeur, Jean se vit à deux pas de la maison de son père. À droite s’élevait une cabane qu’il reconnaissait bien, celle où, chaque automne, il entassait combien de fagots pour la saison rigoureuse !

L’exécuteur arracha soudain les lunettes de Jean. Un moment, il regarda sa victime avec surprise.

« Tu as les yeux trop beaux et trop clairs pour ton âme crasseuse, ricana-t-il !… Mais, c’est drôle, larron, — et il se gratta le front, pensif, — il me semble avoir vu ces yeux-là, ailleurs, mais où, où ?… Tiens, reprit-il après une seconde d’hésitation je te remets tes lunettes. De la sorte tout ton être canaille se met d’accord. »

On traîna Jean sous le chêne. La corde fut passée autour de son cou.

À ce moment, un remous se dessina dans la foule. Des cris furent poussés.

Furieux d’être distrait dans sa grave besogne, le bourreau lâcha Jean et vint faire face au perturbateur qui se frayait, une place au premier rang. Il recula. Ce perturbateur était une femme ! Une femme aux cheveux tout blancs, et dont les grands yeux tantôt tristes, tantôt épouvantés glissaient de la victime au bourreau !