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Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/54

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tu ! de voir clair dans les âmes comme dans la nuit. Nul ne songe, d’ailleurs, à nier nos précieuses facultés. Hélas ! nul n’y songe, parce que, sans doute, nul ne nous envie. Nous avons payé notre sagesse d’une si lourde rançon !… Regarde !… Nos fronts sont ridée, nos épaules courbées, nos genoux fléchissent, nos mains tremblent. Ah ! la terrible, terrible rançon que nous avons dû payer, n’est-ce pas ?… Jean, toi, qui es jeune, robuste et beau, tu dois nous considérer avec pitié. »

La voix frémissante du gnome se voila.

« Non, non, seigneur-gnome, s’empressa de répondre Jean, je n’éprouve que du respect pour vos cheveux blancs. Mais encore une fois, et la voix de Jean se fit toute triste, que pouvez-vous pour moi, faibles comme vous l’êtes ?… Dites, aussi, que peut toute la sagesse du monde, si elle est enfermée dans un corps débile et usé… Tenez, ne puis-je, moi, tout inexpérimenté que je sois, vous terrasser en un instant ?

— Ne l’essaie pas, Jean, dit en souriant le gnome, car tu ignores les moyens secrets dont je dispose, en ma qualité de génie. Je te réduirais vite à l’impuissance. Mais je comprends ton incrédulité. Trop volontiers, chez les humains, on se lamente ainsi : « Ah si jeunesse savait, ah ! si vieillesse pouvait ». Et, contents d’avoir émis ces vérités relatives, jeunes et vieux se tournent bien vite le dos. Nous les gnomes, entendons autrement les choses et agissons en conséquence. Dès que l’occasion se présente de servir la jeunesse, qui est plus souvent imprudente que coupable, nous accourons, la main tendue. Quel triomphe lorsque nous pouvons enlever aux hommes de proie et à leurs œuvres maudites de pauvres êtres que le désespoir entraîne aux pires compromissions.