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BERNARD-ANSELME DE SAINT-CASTIN

Au printemps, les hostilités reprenaient de plus belle. De nouveau, Oyster-River était dévasté de fond en comble. De nouveau aussi, Church organisait à grand fracas une de ses expéditions infructueuses. Il avait embarqué ses neuf compagnies, au mois de mai, dans le port de Piscataqua. « Arrivés à Pentagoët, écrit Church, nous avons tué ou pris tout le monde, Français ou Indiens. Je ne pense pas qu’un seul ait échappé. Parmi nos prisonniers. se trouvait la fille de St. Casteen 5 qui nous dit que son mari était allé en France rejoindre son père, monsieur Casteen. Comme ses enfants étaient avec elle, le commandant fut plein de prévenance envers eux ». Les prisonniers ne durent pas être nombreux, la plupart des hommes étant à la guerre.


L’ardeur des Indiens se calma à la fin de l’année. Durant l’hiver 1705, le colonel Hilton, à raquettes, se rendit à Norridgewock, dont il détruisit les wigwams désertés. L’été se passa en palabres visant à l’échange des prisonniers. Dudley les faisait durer, sous le prétexte d’une entente à négocier avec les autres provinces au sujet d’une offre de neutralité reçue de Québec. Il profitait du répit pour garnir sa frontière et achever les réparations à Pemquid. Tous les mois, il envoyait une patrouille nombreuse dans les régions exposées.

En même temps, le gouverneur de la Nouvelle-France attirait à Saint-François les restes des tribus abénaquises les plus éprouvées, en particulier les Sokokis. Les Pentagoëts repoussaient l’offre de Vaudreuil : « On dira que nous fuyons par crainte de la guerre. S’il y a de la honte, elle retombera sur toi ». Peu d’entre eux émigrèrent.

Vaudreuil affermissait ses positions, mais aux dépens de l’Acadie. Et, pourtant, la défense de Pentagoët importait plus que tout. Laissés à eux-mêmes, les indigènes n’étaient pas sûrs. Beaubassin et Rouville avaient fait merveille dans ce coin, en 1703, mais Québec les avait rappelés tout de suite. L’envoi occasionnel de commandants ne suffisait pas à entretenir le feu sacré. D’un autre côté, les Indiens ne se laissaient pas leurrer par des officiers transformés en agents provocateurs. Le Franco-Abénaquis Saint-Castin offrait la seule solution possible.

L’indispensable baron était retenu en France par d’odieuses chicanes judiciaires ; le ministre lui-même ne pouvait ramener à la raison le voleur qui empêchait son