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LA GUERRE DE SAINT-CASTIN

la petite pointe du jour », le feu recommença de plus belle. « Mais après quelques descharges, les Anglois cessèrent de tirer et demandèrent à capituler ».

Le commandant parut avec quatorze hommes, des femmes, des enfants, tous chargés de nombreux paquets. Les sauvages « se contentèrent de leur dire que, s’ils étoient sages, ils ne reviendroient plus ; que les nations abénaquises avoient trop d’expérience de leur perfidie pour les laisser jamais en repos, s’ils s’avisoient de se remontrer dans leur pays ; qu’ils étoient les maîtres de leur terre ; qu’ils n’y souffriroient jamais des gens aussi inquiets et aussi entreprenans qu’eux, et qui les troubloient dans l’exercice de leur religion ».

Trait à l’honneur de la forte discipline imposée par Saint-Castin à ces enfants de la nature, « ils entrèrent dans le fort et n’y commirent aucun désordre, non plus que dans les maisons, où, ayant trouvé une barrique d’eau-de-vie, ils la brisèrent, sans en boire une seule goutte, ce qui est héroïque dans les sauvages. Quand ils eurent tout visité, ils prirent ce qui étoit le plus à leur bienséance et rasèrent le fort et les maisons ».

Ils s’embarquèrent dans deux fortes barques anglaises prises la veille au débarquement des capitaines Skinner et Farnham, venus d’une île située à un demi-mille de la côte. Équipages et capitaines avaient succombé sous les balles des sauvages 32.

À leur entrée dans le fort, les vainqueurs avaient trouvé une fosse assez profonde, toute remplie de cadavres et le commandant ennemi leur avait dit « qu’ils avoient de bonne poudre et que leurs fusils tiroient bien juste. Il en avoit fait lui-même l’épreuve, car il avoit le visage à demi-brûlé ». Les sauvages lui avaient répondu que, aidés de deux cents Français « un peu assurés », ils iraient jusque dans Boston 33.


Enivrés de leur succès, les Indiens se jetaient ensuite sur Sheepscote et Kennebunk, vidés de leurs habitants en fuite vers Falmouth 34.

Les Abénaquis poursuivirent leur marche. Il existait, écrit Charlevoix, quatorze petits forts aux environs de Kinibequi. « Ils les surprennent tous, tuent deux cents personnes et rapportent un grand butin ».

Le 28 août, le capitaine Swayne arrivait dans la région à la tête de huit compagnies envoyées en toute hâte