Page:David - Les Patriotes de 1837-1838, 1884.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
les patriotes

fin de fuite et d’alerte, de crainte et d’espérance, de terreurs soudaines et de secours inattendus.

« Le début en est pittoresque.

« Le soir même de la bataille, M. Pacaud, accompagné de son frère Charles — lequel, entre parenthèse, avait eu ses habits percés de deux balles — de son beau-frère, le Dr  de la Bruère, et de l’honorable Louis Lacoste, après avoir dit un adieu attendrissant à sa jeune femme et à ses chers petits enfants, partait à la hâte pour la frontière américaine. Ils avaient joué leur vatout et perdu la partie : il ne leur restait plus qu’à sauver leur existence en péril.

« Ils cheminèrent longtemps, à la rouge lueur de l’incendie du village de Saint-Charles, à travers lequel les volontaires loyaux promenaient la torche dévastatrice, en signe de réjouissance, et pour prouver leur patriotisme.

« À Saint-Césaire, la foule, exaspérée par le résultat de la journée, faillit faire un mauvais parti à deux de nos voyageurs.

« — En voilà encore de ces chefs, disait-on, qui, après nous avoir embarqués dans cette galère, s’en vont mettre leur peau en sûreté aux États-Unis ! Ce sont ces beaux messieurs, avec leurs grands discours, qui sont la cause de tout ; et, maintenant que nous sommes compromis, à eux la liberté, à nous l’incendie, la prison et la potence !

« — Ne les laissons pas partir !

« — Arrêtons-les !

« — Ils désertent : fusillons-les !

« Et la populace s’ameutait toujours, de plus en plus furieuse et menaçante.

« Les deux voyageurs, qui n’étaient autres que nos amis, M. Pacaud et son frère, entendaient tout du second étage de la résidence de M. Chaffers — père de l’honorable sénateur de ce nom — où ils s’étaient réfugiés,