Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/58

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jour. Dieu veuille qu’il ne soit pas trop tard !…

Dans l’entrebâillement de la porte, Jean la contemple.

Cette femme est celle qu’il a tant aimée !…

Si son teint a pâli, si son buste s’est courbé, n’est-elle pas toujours la créature qui lui a donné deux superbes enfants ? celle qui, malgré tout, reste admirablement belle.

Un désir le secoue.

Son cœur bat à l’étouffer, car en travers de cette violence qui le fait frissonner, vient de se mettre la vision torturante de l’atelier.

— Si vous avez à sortir, dit Jean en se violentant, Fulbert vous accompagnera.

— Pour ma première sortie, répondit Malcie avec un sourire très triste, j’attendrai votre retour.

Ce fut tout.

Pas un mot de plus.

Pas une caresse.

Le capitaine Jean s’éloigna.

Ni un appel, ni une protestation de la malheureuse.

À peine, lorsque la porte fut refermée, un gémissement, moins que cela, une plainte d’oiseau, coupa-t-il le silence dans lequel retomba la chambre.

Seule, ce fut à la lettre qu’elle avait eu l’intention d’écrire à Roger qu’elle pensa.

L’exécution s’en trouvait ajournée.

Non, elle ne sortirait pas. Elle ne devait pas donner prise à une nouvelle surveillance. Si Jean ne l’avait pas surveillée, serait-il arrivé là-bas, à point nommé ?

Une furtive coloration glissa sur son visage, puis elle redevint aussi blanche que les pétales d’un lys.

À force de songer, tantôt désespérant, tantôt reprenant confiance et espoir, une idée lui vint qui lui redonna une apparence de vie.

Son œil même brilla.

Cette pensée, elle allait l’exécuter.

Comment ne lui était-elle pas venue plus tôt ?

Lorsque Fulbert revint d’accompagner son maître, il trouva Malcie dans la même position qu’à son départ.

Le vieux domestique qui aurait donné cher pour ne pas avoir trempé dans l’évènement tragique, regarda sa maîtresse d’un air de grande compassion.

Malcie soupira.

— Les beaux jours sont biens courts, mon bon Fulbert.

Ses lèvres s’entr’ouvrirent comme s’il allait parler.

Il ne trouva rien à répondre.

Malcie continua :

— Je t’assure que la fin de tout est préférable à certaines existences !

— Dites pas ça, madame !… Les mauvais jours passent et les bons reviennent.

— Il y a des choses qui ne s’effacent jamais.

— Que si !… Que si !…

— Vois-tu, c’est tout ce qu’il y a de plus triste, de plus épouvantable, de plus horrible pour une jeune femme que de voir son bonheur suspecté.

— Écoutez, madame. Bien sûr que ce n’est pas à moi, à donner un avis, mais faudra essayer une explication avec monsieur Jean… Bah ! autrefois, dans l’hôtel, on n’entendrait que des rires. Maintenant plus rien… Non, non, ça ne peut pas durer… Il est bon, au fond, monsieur Jean, mais, dame, ça été une idée qui lui a passé dans la tête…

…Toute explication est impossible. Elle ne ferait qu’aggraver.

Malcie joignit les mains.

— Moi, coupable ? oh ! mon Dieu ! N’avoir qu’un but, et voir ses actes suspectés ! C’est triste, va !

— Mais, sacredine, j’en aurais mis ma main au feu cent fois !… Écoutez, madame, il ne faut pas le brusquer du tout. Je le connais que diable, puisque je suis ren-