Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/37

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L’autre, en parlant d’un scélérat intrépide :


Et l’airain de son front lui servira d’égide,


Ce drame a eu bien de la peine à être reçu des Comédiens. L’auteur, avec raison, voulut d’abord se concilier le suffrage de mademoiselle Clairon. Cette actrice éloigna bien loin cette demande ; elle s’excusa sur sa santé, sur le travail dont elle était accablée ; elle demanda du répit, elle gémit sur son sort, d’être toujours entre le fer et le poison : ce ne fut qu’avec de très-grandes protections que M. de Chabanon obtint de se faire entendre. Il fut bien récompensé de ses peines et de sa constance, il eut le plaisir de voir fondre en larmes l’héroïne de théâtre. Depuis lors, elle est engouée de son rôle, et attend avec impatience le moment de se venger sur les spectateurs, des larmes que lui a arrachées un jeune homme qui chausse le cothurne pour la première fois.

21. — Enfin on vient d’enrichir la Pucelle de M. de Voltaire des ornemens qui lui manquaient. Un graveur intrépide publie vingt-sept estampes concernant ce poëme[1]. Ce sont, en général, des caricatures piquantes et qui s’allient très-bien à l’ouvrage. Elles offrent aux yeux avec vérité les peintures lascives ou grotesques du poète : c’est ainsi que, tandis que l’auteur cherche à rendre à son héroïne l’honnêteté dont on lui reproche de l’avoir dépouillée, un plaisant la prostitue de plus en plus et la met hors d’état de paraître jamais aux yeux du lecteur pudibond.

  1. Ces estampes sont probablement celles qu’on voit dans une petite édition de la Pucelle, in-16, de forme presque carrée, sous le titre de Londres. Elles sont en effet très-libres, et se font d’ailleurs remarquer par une touche fine et spirituelle dans le dessin comme dans la gravure. — W.