Aller au contenu

Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
401
FÉVRIER 1769

manité, quand elle veut traiter des matières au-dessus de sa portée : on sait d’ailleurs que ce genre n’est pas celui où cet auteur universel soit le plus fort, et malheureusement il comporte peu de plaisanterie. Aussi cette brochure est-elle très-médiocre, très-mince de raisonnemens, et ne compensant le défaut de logique et de véritable érudition que par une gaieté forcée et de mauvaises saillies.

5. — L’Académie royale de Musique a régalé aujourd’hui le public, pour son carnaval, du Mariage de Ragonde, comédie en trois actes, exécutée pour la première fois sur ce théâtre en 1742. Les paroles sont de Destouches, et la musique de Mouret. On conçoit, à la date de cette dernière, qu’elle n’est ni forte ni savante ; ce sont des airs faciles, à la portée de toutes les oreilles et de toutes les voix. Comme le drame est une gaieté folle, à la portée de tous les spectateurs, les grands harmoniphiles, la tête pleine des sublimes accords d’Ernelinde, n’ont point voulu se prêter à la simplicité de cet opéra, qu’ils appellent plat et trivial. Heureux pourtant ceux qui, le cœur encore serré de la triste Ernelinde, se sont laissé dilater par les bouffonneries de Ragonde. Il est vrai que l’exécution n’a pas répondu au burlesque du reste. Les ballets ont infiniment mieux accompagné cette farce lyrique. Ce genre, comme on sait, est le triomphe de Dauberval et des demoiselles Allard et Peslin, ses fidèles acolytes. La demoiselle Guimard a voulu se prêter à la folie du jour, mais sa danse toujours recherchée et sa figure minaudière sont trop opposées à la franchise de pareilles gambades, où il faut des contorsions, des dislocations, que ne comportent point la fragilité et les grâces apprêtées de cette Terpsichore.