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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/410

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MÉMOIRES SECRETS

encore eu égard à leurs plaintes, et leur parodiste gagne cependant beaucoup d’argent.

17. — Le concert au profit des élèves des écoles gratuites de dessin[1] a eu lieu avant-hier dans la galerie de la reine avec la plus grande affluence. Presque tous les princes du sang y ont assisté. L’affiche n’avait caractérisé aucun des morceaux qui devaient s’y exécuter. Elle faisait à M. Gaviniés, le premier violon de ce pays-ci, l’honneur de déclarer que c’était à son invitation que ses confrères s’étaient réunis pour cet acte de générosité. On ne peut que leur savoir gré de ces efforts, mais on n’a pas trouvé qu’ils eussent répondu à la circonstance et à la dignité de l’assemblée. Ce concert, plus instrumental que vocal, n’a rien produit de neuf ; il a été fort tumultueux, parce qu’on n’avait pas proportionné les billets au local, et que quantité d’hommes et de femmes ont été obligés de rester debout. On avait répandu le bruit que Jéliotte y chanterait, mais son amour-propre l’a emporté sur son humanité, et il a eu peur de compromettre sa réputation. On avait prétendu aussi qu’un caprice pourrait bien porter mademoiselle Lemaure à reparaître[2]. Tout cela n’a pas eu lieu, et le concert a été ce qu’on appelle très-commun. Le spectacle le plus beau, le plus touchant, était la décoration des murs de la salle, tous tapissés de divers dessins des jeunes élèves, entre autres de différens portraits de M. de Sartine, leur illustre protecteur. On remarquait avec un plaisir indicible l’envie que ces concurrens avaient eue d’exprimer la bienfaisance de sa physionomie, et plusieurs avaient très-bien réussi.

  1. V. 2 février 1769. — R.
  2. Elle avait quitté le théâtre de l’Opéra en 1750 ; Jéliotte s’était retiré en 1755. — R.