Aller au contenu

Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/420

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
MÉMOIRES SECRETS

de déraciner les erreurs si promptement ; mais on espère que cette flétrissure ne fera qu’encourager les bons patriotes à écrire sur cette matière importante, et à la prendre pour texte de leurs discours philosophiques.

17. — Quelques auteurs ne pouvant rien produire par eux-mêmes, ou pressés de vivre, ont imaginé depuis quelque temps de dresser une friperie littéraire, et de faire des livres des dépouilles des écrivains morts. C’est ainsi qu’ont paru successivement différentes compilations, abréviations, divers extraits, et surtout ces Esprits qu’a mis à la mode un certain abbé de La Porte, l’usurier du Parnasse qui sait le mieux placer à intérêt ces sortes de productions, et qui a tourné en commerce de finances lucratif un métier qui, jusqu’à présent, avait fait mourir de faim presque tous ses partisans. On ne sait si c’est lui qui avait mis depuis peu en lumière l’Esprit de M. de Marivaux[1] ; mais celui-ci a excité un procès entre le libraire ayant le privilège de ce dernier ouvrage, et celui qui est pourvu du privilège des Œuvres de Marivaux. Ce dernier s’oppose au débit de l’autre, prétendant que cet Esprit n’étant qu’une émanation du livre qu’il a en vente, on n’a pu accorder un privilège qu’il avait antérieurement, et qui ne roule que sur le même objet. Cette contestation est portée en justice, et jusqu’à la décision le livre de l’Esprit de M. de Marivaux est arrêté.

18. — M. de Voltaire, dont la Muse semblait assoupie depuis quelque temps, vient de se réveiller par une Épître à Boileau, fort longue, fort diffuse, et qui n’est qu’une espèce de satire dans le goût de celles de cet auteur, où M. de Voltaire, qui a tant blâmé ce genre, s’abandonne lui--

  1. Par de Lesbros ; Paris, Pierres, 1769, in-8°. — R.