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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/19

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JUILLET 1769.

velles pour son frère, il a assuré que ce dernier n’avait point la témérité de prétendre remplacer le sieur Le Kain, ce grand acteur dont les talens étaient au-dessus de toute rivalité ; mais que la santé infirme de celui-ci le mettant dans le cas de s’absenter, et de laisser un vide dans les sujets, le sieur Dalainville allait essayer de mériter quelque indulgence. Ce discours, prononcé d’un air timide et embarrassé, a été fort bien accueilli. Bien des gens trouvent cependant mauvais qu’un acteur prenne la liberté de venir ainsi entretenir le public de lui et de son frère : le tremblement et les palpitations de l’orateur attestaient qu’il sentait toute sa témérité. Quoi qu’il en soit, cette hardiesse lui ayant déjà réussi une fois[1], il en a risqué une seconde qui a eu encore plus de succès, et a occasioné des applaudissemens multipliés, bien flatteurs pour sa vanité.

Quant au sieur Dalainville, cet acteur, qui faisait les délices de plusieurs grandes villes de province, a des parties très-propres à le faire réussir : il a beaucoup d’âme et d’intelligence ; mais il est d’une figure ignoble ; il est petit, sa voix n’est pas agréable, et se perd souvent en éclats sourds ; sa manière de déclamer a encore besoin de correction ; il jette des fins de vers d’une façon provinciale. Tous ces défauts sont compensés par les grandes qualités dont on vient de parler, qui le tireront toujours de la foule et de la médiocrité.

5. — On vient d’imprimer un petit recueil contenant la réquisition de M. de Voltaire à son curé, en date du 30 mars dernier, pour le solliciter de lui donner la communion chez lui, attendu les infirmités de ce seigneur, qui ne lui permettent pas de se rendre à l’église ; il fait valoir

  1. V. 10 février 1767. — R.