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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/273

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JUIN 1770.

des plaisirs de ce qui, pour des gens sensés, ne serait qu’un objet de mépris et de pitié. Une querelle d’histrions a divisé depuis quatre jours notre pétulante jeunesse. Une danseuse excellente de l’Opéra, et le meilleur danseur sans contredit, rivaux de talens et jaloux l’un de l’autre depuis long-temps, sont désunis par divers motifs. Leur inimitié a éclaté à l’occasion d’un pas où mademoiselle Heinel a voulu danser, et dans lequel Vestris s’est ménagé tout le brillant, comme maître des ballets. Cette dispute a aigri les parties et excité parmi leurs partisans le projet de s’en venger. Mardi dernier, il a éclaté contre Vestris, qui a été sifflé dans la chaconne qui termine l’opéra. Outré contre sa rivale, qu’il a rencontrée dans les coulisses, et dans les yeux de qui il a cru voir le triomphe de la mortification qu’il venait d’essuyer, il s’est emporté contre elle en propos les plus injurieux ; ce qui a produit une scène des plus vives et a indisposé les spectateurs contre lui. Chacunmais le plus grand nombre a été pour mademoiselle Heinel. L’affaire portée devant le ministre de Paris, celui-ci a cru devoir rendre justice à l’outragée. Le public a applaudi aujourd’hui cette danseuse avec une fureur inexprimable, dans le ballet des Fêtes Grecques et Romaines, bien disposé à ne pas recevoir demain Vestris avec la même bonté. Ses admirateurs prétendent balancer le parti de mademoiselle Heinel, et on s’attend demain à un événement comique à l’Opéra à ce sujet. Tous nos jeunes gens s’y sont donné rendez-vous, pour y suivre l’affection qui les domine.

10. — On a donné avant-hier aux Français une pièce en trois actes, en vers, et l’on pourrait dire contre tous,