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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/33

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JUILLET 1769.

la reçurent, mais firent, suivant leur usage, languir l’auteur au désespoir. Dans cet intervalle, il déploya ses talens pour le barreau, se livra à des occupations plus sérieuses. Encouragé par ses succès dans cette carrière, il ne voulut point essayer le danger d’une chute à la Comédie, et retira sa pièce. La tendresse paternelle s’est réveillée depuis quelque temps, et, mettant de côté toutes ses affaires, il s’est uniquement occupé de cette production, et a voulu la faire jouer sur un théâtre de société. Il a choisi celui de M. le comte de Rohault, à Auteuil, qui est un magnifique théâtre particulier ; il a fait exécuter sa pièce en ce lieu, hier jeudi, et y a joué lui-même un rôle. Quoique ce ne fût point jour férié, beaucoup de ses confrères, et même de graves magistrats, se sont rendus à la représentation, ce qui a jeté un grand vide au Palais. L’auteur n’a pas eu la gloire qu’il espérait : on a trouvé sa tragédie très-médiocre, et son jeu détestable ; ses vrais amis lui ont conseillé de faire des plaidoyers préférablement à des pièces de théâtre, et de s’en tenir à ses rôles du barreau. Ce M. Legouvé était chargé, cet hiver, de plaider devant le roi de Danemark, lorsque ce prince vint entendre une cause au Palais, et fit un discours qui occasiona beaucoup de rumeur, dont on a parlé dans le temps[1].

29. — Le sieur Poinsinet, appelé par dérision, depuis son voyage d’Espagne, Dom Antonio Poinsinetto, nouvelle dénomination qu’il s’était donnée lui-même, croyant se décrasser par-là et acquérir un vernis de noblesse catalane, après avoir déjà parcouru plusieurs villes de ce royaume avec sa troupe de comédiens, et cherché à établir en différens endroits des opéra-comiques, sorte

  1. V. 24 novembre 1768. — R.