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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/43

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JUILLET 1769.

13. — On rit beaucoup à la cour d’une plaisanterie que s’est permise M. le duc de Choiseul envers M. l’évêque d’Orléans, à un spectacle particulier que donnait chez elle madame la comtesse d’Amblimont. Outre ce ministre et autres seigneurs de la plus grande distinction, il y avait plusieurs prélats. Avant la comédie, M. le duc de Choiseul avait prévenu quelques actrices. Deux s’étaient pourvues d’habits d’abbé ; elles se présentèrent dans cet accoutrement à M. de Jarente. Ce prélat n’aime pas en général à rencontrer de ces espèces sur son chemin, parce qu’il se doute bien que ce sont autant d’importunités à essuyer. Ceux-ci pourtant, par leur figure intéressante, attirèrent son attention ; ils lui adressèrent leur petit compliment, se donnèrent pour de jeunes candidats qui voulaient se consacrer au service des autels, se renommèrent de la protection et même de la parenté de M. le duc de Choiseul, qui n’était pas loin et vint appuyer leurs hommages et leurs demandes. Le cœur de l’évêque d’Orléans s’attendrit, par sympathie, sans doute ; il promit des merveilles, et par une faveur insigne, ne put se refuser à donner l’accolade à ces deux aimables ecclésiastiques. Quelle surprise pour le prélat, lorsque, pendant le spectacle, il entrevit sur le théâtre des figures qui ressemblaient beaucoup à celles qu’il avait embrassées. Son embarras s’accrut par une petite Parade[1], où il fut obligé de se reconnaître. On y peignait adroitement son aventure. Enfin des couplets charmans le mirent absolument au fait. Il se prêta de la meilleure grâce à la raillerie. Les abbés redevenus de jeunes filles très-jolies et très-aimables, se reproduisirent avec toutes sortes de grâces et de minauderies. On lui

  1. V. 24 août 1769. — R.