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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/46

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MEMOIRES SECRETS.

Voltaire, qui donne la clef de la conduite de ce dernier depuis deux ans et jette un grand jour sur les deux farces qu’il a successivement jouées à Pâques. Il paraît que M. de Voltaire craignant d’être inquiété par le prélat en question, par le Parlement de Bourgogne et par la cour enfin, à raison du scandale énorme qu’il causait par ses écrits, également impies et licencieux, et dont les désaveux qu’il en faisait n’excitaient que davantage la curiosité des lecteurs, a pris le parti, en 1768, de faire un acte de religion authentique. C’est là-dessus que M. d’Annecy lui écrit, le 11 avril 1768, une lettre qui commence ainsi : « On dit que vous avez fait vos pâques ; bien des personnes n’en sont rien moins qu’édifiées. » Le prélat annonce ensuite qu’il pense plus charitablement ; qu’il croit M. de Voltaire trop au-dessus des respects humains, des préjugés et des faiblesses de l’humanité, pour trahir et dissimuler ses sentimens par un acte d’hypocrisie qui suffirait seul pour ternir toute sa gloire. Il félicite la religion d’avoir acquis un pareil prosélyte ; il ajoute : « Si le jour de votre communion on vous avait vu, non pas vous ingérer à prêcher le peuple dans l’église sur le vol et les larcins (ce qui a fort scandalisé tous les assistans), mais lui annoncer, comme un autre Théodose, par vos soupirs, vos gémissemens et vos larmes, la pureté de votre foi, alors personne n’aurait plus été dans le cas de regarder comme équivoques vos démonstrations apparentes de religion. » L’épître finit par une exhortation à ce vieux pécheur de faire juger de l’arbre par les fruits, de profiter du temps qui lui reste, etc.

M. de Voltaire, dans sa réponse, du 15 du même mois, fait semblant de prendre à la lettre les complimens de l’évêque et lui rend morale pour morale : au lieu des