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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/54

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MEMOIRES SECRETS.

trop d’importance et tantôt d’une façon trop burlesque ; le style est plus souvent précieux que naturel : tels sont les défauts qui compensent les beautés de cet Éloge : c’est un portrait de Molière plein de détails, d’une touche légère et délicate, et non frappé de ces grands coups de pinceau qu’employait lui-même ce peintre inestimable. Quoi qu’il en soit, l’auteur a paru digne de la médaille qu’il a reçue ; il a été obligé de franchir la foule pour venir la prendre, et le fauteuil près du secrétaire se trouvant vacant, il l’a invité de s’asseoir : grâce prématurée, pronostic heureux de l’honneur qu’il aura sans doute un jour. La coutume est de lire successivement le programme pour les prix de poésie de l’année suivante. Depuis quelque temps l’Académie avait laissé carrière au génie des auteurs, et ne les assujettissait à aucun sujet ; elle vient de reprendre, on ne sait pourquoi, ses anciens erremens, et a donné pour sujet du prix de poésie de 1770, les Inconvéniens du luxe, titre bien faible pour caractériser un vice, fléau des États et le principe de leur destruction. M. Duclos a, par le même programme, annoncé l’Éloge à faire pour 1771, afin de donner aux concurrens le temps de rassembler les mémoires ; c’est celui de M. de Fénélon, archevêque de Cambrai.

M. Watelet, pour remplir le vide de la séance, a continué de faire part au public de quelques morceaux de sa traduction de la Jérusalem délivrée. Celui qu’il a lu est tiré du septième chant. Ce poète peint la fuite d’Herminie, et son entrevue avec un vieillard retiré des cours et vivant dans la solitude. On a déjà dit et l’on ne peut que répéter, combien le pinceau sec et froid de l’académicien est impropre à rendre les touches tendres et moelleuses de l’italien. Cette traduction, quoique en vers,