Aller au contenu

Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
SEPTEMBRE 1769.

la séparation d’avec ce cher oncle avait occasioné tant de mauvais propos et de conjectures sinistres qui n’ont jamais été bien éclaircies, vient de partir ces jours-ci pour se réunir à lui, et ce retour va sans doute égayer la retraite du philosophe de Ferney, qui commençait à avoir beaucoup d’humeur et à broyer bien du noir. Les curieux trouveront de nouveau une femme aimable, qui fera les honneurs du château, et attirera les étrangers effarouchés par les caprices d’un vieillard isolé. On sait que M. de Voltaire, malgré son ardeur pour la célébrité, ne daignait pas toujours se montrer aux amateurs, qui, en faisant ce voyage, risquaient de revenir sans l’avoir vu.

12. — M. Le Mière vient de nous donner son poëme de la Peinture, annoncé depuis long-temps, qu’il avait déjà lu dans une assemblée publique de l’Académie de ce genre et qui avait reçu pour lors beaucoup d’applaudissemens, ainsi que dans différentes coteries particulières, où l’auteur l’avait récité. Tous ces éloges prématurés se sont évanouis à l’impression. Il est de beaucoup inférieur aux poëmes latins de Dufresnoy et de l’abbé de Marsy ; il est plus didactique, plus dur, plus obscur, que celui de M. Watelet[1], et à quelques morceaux près, en petit nombre, inintelligible d’un bout à l’autre. C’est un fatras de vers empruntés et d’expressions disparates, dont il a revêtu des préceptes arides, sans enchaînement et sans progression. Il paraît dans la préface, aussi barbarement écrite que le poëme, que l’auteur a senti toutes les difficultés de son entreprise ; mais qu’il s’est cru capable de les surmonter : et c’est en quoi il s’est

  1. L’Art de peindre, poëme. Paris, 1760, in-4° et in-8°. — R.