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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/83

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NOVEMBRE 1769.

ci-devant volontaire dans la légion de François d’Assise, collecteur des impôts divins et recruteur d’âmes. C’est une satire de la conduite du pape, depuis son exaltation, tant à l’égard du duc de Parme, qu’avec les princes de la maison de Bourbon, au sujet des Jésuites. C’est aussi une espèce de réponse à la lettre de Sa Sainteté au roi[1] dont on a parlé dans le temps, et qu’on regarda dès-lors comme un trait de politique d’autant plus adroit qu’il portait tout le caractère de l’ingénuité et de la bonhomie. Cette facétie, qui ne peut sortir de la plume d’un bon catholique, n’a pas même le sel de la plaisanterie pour les indévots.

16. — Une historiette de M. le comte de Lauraguais occupe les oisifs, et fournit matière aux propos du moment. Ce seigneur s’est trouvé, il y a quelques jours, dans une rue étroite en face du carrosse de M. de Barentin, l’avocat-général, qui avait avec lui sa femme très-laide. Le cocher de M. de Lauraguais voulait toujours avancer ; celui du robin refusait de reculer : grande dispute entre les valets. L’avocat-général met la tête à la portière, et prodiguant la morgue magistrale, paraît étonné qu’on ne veuille pas le laisser avancer ; il déclare sa qualité, et combien le service du roi exige qu’il ne soit pas retardé dans sa marche. M. de Lauraguais, avec beaucoup de sang-froid, ne tient aucun compte des dires de M. l’avocat-général, ordonne à son cocher de passer outre ; alors la femme tout effrayée se montre à son tour, fait valoir les privilèges de son sexe, et paraît surprise qu’un seigneur aussi bien élevé les méconnaisse. « Ah ! dit M. de Lauraguais, que ne vous montriez-vous plus tôt, Madame ? Je vous assure que moi, mon cocher et

  1. V. 31 octobre 1769. — R.