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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/92

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MEMOIRES SECRETS.

Daignez, seigneur, m’accorder
DUn billet pour voir Nanine.


M. de Voltaire lui fit la réponse suivante :


Qui sait si fort intéresser,
Mérite bien qu’on le prévienne ;
Oui, parmi nous viens te placer,
DNous dirons qu’il y revienne.


En effet l’enfant plut beaucoup, et dès le soir eut l’honneur de souper entre le roi de Prusse et M. de Voltaire. Le goût du jeune homme pour les lettres lui ayant fait perdre de vue le soin de sa fortune, il est tombé dans la disgrâce de sa famille, et par une suite de catastrophe sinistres s’est trouvé très-malheureux. Venu à Paris, il s’y est conduit avec honnêteté, et n’a point oublié les sentimens de sa naissance et de son éducation. La hauteur de son âme l’a porté à avoir plutôt recours à des étrangers qu’à des parens dont il avait à se plaindre. Un homme de lettres qu’il a eu occasion de connaître, cru devoir en ce moment réveiller l’intérêt que M. de Voltaire avait pris autrefois à ce jeune élève d’Apollon. Pour lui en rappeler le souvenir, il lui a envoyé les deux billets ci-dessus. Le philosophe de Ferney a répondu laconiquement ; mais par ce qui se passe depuis peu de temps, M. Mingard présume que cet apôtre de l’humanité a excité les sentimens de tendresse de la famille de l’enfant prodigue ; et elle vient de lui procurer des consolations qu’il croit devoir à M. de Voltaire : nouveau trait de bienfaisance qu’on se hâte d’annoncer au public[1].

  1. Cette anecdote est vraie. — W.