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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/96

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MEMOIRES SECRETS.

uns d’entre eux, tels que les sieurs Dehesse et Clairval : ces messieurs ont cru y reconnaître le fonds d’une aventure arrivée au sieur Poinsinet, qui fait nombre parmi ses mystifications. Leur délicatesse s’est offensée de cette ressemblance, et ils ont déclaré que l’ouvrage était charmant, mais que l’honnêteté de leurs mœurs ne leur permettait pas de traduire sur la scène quelque citoyen que ce fût, à plus forte raison un poète distingué par ses talens, qu’ils reconnaissaient pour leur maître, pour leur bienfaiteur, et dont ils honoreraient éternellement la cendre. En vain leur a-t-on représenté que cette pièce roulait que sur une intrigue vague dont le spectateur instruit pouvait faire l’application, mais qui se démentait par les différences du caractère du héros principal de la pièce, bien autrement théâtral que celui du sieur Poinsinet, et monté sur un ton qui ne pouvait appartenir qu’à un homme de cour, à un fat du premier ordre et non à un polisson subalterne tel que ce petit-maître manqué. Rien n’a pu rassurer les scrupules de ces âmes nobles et sensibles ; on n’a osé risquer de s’exposer à réclamation générale de la troupe, et l’on a eu recours à M. le duc de Richelieu, gentilhomme de la chambre en exercice, qui n’a pas paru aussi effarouché que les Comédiens, et qui, se connaissant en procédés aussi bien qu’eux, rassurera sans doute leur délicatesse.

13. — On a parlé depuis long-temps des mouvemens que M. de Voltaire s’était donnés pour faire rendre justice à la famille des Sirven, ces malheureux père et mère, accusés d’être auteurs du meurtre de leur fille et condamnés comme tels, par contumace, au Parlement de Toulouse. Ils ont eu le courage de se rendre en cette ville, de faire juger la coutumace, et ils ont été décla-