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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/97

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DÉCEMBRE 1769.

rés généralement innocens : on les a remis en liberté et en possession de tous leurs biens, qui avaient été confisqués au profit du roi par le domaine.

Cet événement, qu’on doit principalement aux soins et aux réclamations de M. de Voltaire, assure de plus en plus à ce poète philosophe une place parmi les bienfaiteurs de l’humanité. On ne doute pas que M. Elie de Beaumont, avocat célèbre au Parlement de Paris, et qui a passé plusieurs mois de l’été et de l’automne à Ferney, n’ait beaucoup contribué à éclairer et à faire juger l’affaire : on ne doute pas non plus que M. de Vaudeuil, premier président du Parlement de Languedoc, n’ait versé dans ce tribunal l’esprit de tolérance dont il est animé, et qu’il n’éteigne tout-à-fait le feu du fanatisme, qui n’avait que trop éclaté dans la malheulereuse affaire des Calas.

14. — C’est avec douleur que les amateurs du théâtre italien, qui avaient conçu les plus grandes espérances sur le compte du sieur Grétry, ce Pergolèse de la France, voient que ce musicien est sur le point d’être moissonné à la fleur de son âge. Il est attaqué de la poitrine, et son genre de vie[1] ne contribue pas peu à aggraver son état. On convient assez généralement qu’il était fait pour opérer une révolution dans la musique de ce théâtre, dont les coryphées ne paraissent que dans des gens médiocres auprès de cet auteur.

15. — Vendredi dernier, à l’Opéra, un spectateur du

  1. Dans une espèce de sermon, prononcé en la Sainte Église Philosophique, Grimm (Correspondance littéraire, 1er janvier 1770) dit en parlant du frère Grétry : « Nous le conjurons, par les entrailles de notre mère la Sainte Église, de ménager sa santé, de considérer que sa poitrine est mauvaise, et de se livrer moins ardemment aux plaisirs de l’amour, afin de s’y livrer plus long-temps. » — R.