Page:De Banville - Odes Funambulesques.djvu/85

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Vous voyez trop souvent votre amie au king’s-Charles...
Mais je ne veux savoir que ce dont tu me parles !
   Tortille tes cheveux avec des tresses d’or,
O ma Muse, et volons sur l’aile d’un condor
Jusqu’au pays féerique où les blanches sultanes
Baignent leurs corps polis à l’ombre des platanes,
Et s’enivrent le cœur aux chansons du harem
Sous les rosiers de Perse et de Jérusalem,
Tandis qu’en souriant, les esclaves tartares
Arrachent des soupirs à l’âme des guitares.
   Il était à Stamboul un théâtre enchanteur,
Dont le sultan lui-même était le directeur :
La Musique et ses voix, l’altière Poésie,
Les danses de l’Espagne et de la molle Asie
Enchantaient, par l’accord des rhythmes bondissants,
Ce palais ébloui de feux resplendissants.
Or, le sultan, naguère, en ses jours d’allégresse,
Avait dormi longtemps chez les filles de Grèce,
Et, versant des parfums sous le ciel embaumé,
Ainsi que Magdeleine avait beaucoup aimé.
   Mais quand l’âge eut glacé tristement cette lave,
Il fut, à son hiver, l’esclave d’une esclave
Qui lui chantait le soir de doux airs espagnols,
D’une voix douce à faire envie aux rossignols.