Page:De Banville - Odes Funambulesques.djvu/86

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Elle avait les langueurs des filles de la Gaule,
Soit qu’elle soupirât la romance du Saule,
Ou quelque chant d’amour plaintif ou singulier,
Sous l’habit provocant d’un jeune cavalier.
Mais sa pourpre, fatale aux amours des captives,
Buvait le sang vermeil des blanches et des Juives,
Et ses regards, emplis de force et de douceur,
Demandaient chaque mois la tête d’un danseur.
   Lorsque la Favorite, avec ses airs de reine,
Apparaissait, portant la couronne sereine
Dont les lys enflammés ruisselaient en marchant,
Tout le peuple ébloui du ballet et du chant
Tremblait devant son doigt noyé dans la dentelle.
Un seul avait trouvé sa grâce devant elle,
Ardent comme un lion ou comme le simoun,
Un habile chanteur qu’on appelait Medjnoun.
Or, ce jeune homme avait la perle des maîtresses,
Une blanche houri qui, par ses longues tresses,
Jetait aux quatre vents tous les parfums d’Ophir,
Paupière aux sourcils noirs, prunelles de saphir,
Gazelle pour la grâce indolente des poses,
Nourmahal, dont la lèvre enamourait les roses.
   Medjnoun se demandait quel ange au firmament
Avait fondu pour lui des cœurs de diamant,