Page:De Banville - Odes Funambulesques.djvu/87

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Lorsque, par une nuit claire d’astres sans nombre,
Errant par les sentiers du jardin comme une ombre,
Près d’un kiosque doré, que les pâles jasmins
Et les lys aux yeux d’or entouraient de leurs mains,
Et sur lequel aussi dormaient dans la nuit brune
Les blancs rosiers baignés des blancs rayons de lune,
Par la fenêtre ouverte il entendit deux voix.
   L’une disait (c’était la Favorite) : « Oh ! vois,
Ma Nourmahal ! jamais le cœur des jeunes hommes
Ne s’attendrit ; mais nous, ma chère âme, nous sommes
Douces ; nos longs cheveux sur nos seins endormis
Ont l’air en se mêlant de deux fleuves amis ;
Les rayons de la nuit argentent nos pensées,
Lorsque, dans un hamac mollement balancées,
Entrelaçant nos bras, nous chantons deux à deux,
Ou que, nous confiant à des flots hasardeux,
Et laissant l’eau d’azur baiser nos gorges blondes,
Nous en dérobons l’or sous la moire des ondes. »
   La Favorite alors, les yeux noyés de pleurs,
Voyait à chaque mot éclore mille fleurs
Sur le sein de l’enfant rougissante et sans voiles,
Et, le regard perdu dans ses yeux pleins d’étoiles
Comme les océans du ciel oriental,
Était agenouillée aux pieds de Nourmahal,