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La destinée de ce jeune homme est vraiment tragique. Il était d’une bonne famille de Lithuanie, qui s’éteint en lui. Il a en l’un de ses frères et son beau-frère pendus par Mourawieff, l’autre frère déporté en Sibérie à perpétuité, ce qui entraine la mort civile ; lui-même est parvenu à se sauver par la fuite. Il aimait ardemment la France ; il lui était réservé de périr innocent par des balles françaises.

Dans la nuit du 25 au 26 mai, les troupes occupaient les environs de la barrière du Trône ; tout était sombre, pas une fenêtre éclairée. Tout à coup, les soldats aperçoivent une lumière au cinquième étage de la maison portant le no 52, boulevard de Picpus. On croit y voir un signal donné aux insurgés. On entre dans la maison et on trouve dans une chambre, au cinquième, deux vieillards qui se faisaient du thé. On les saisit et on les fait descendre. Le concierge implore pour eux l’officier, atteste que ce sont des hommes tout à fait tranquilles, respectables, qu’ils n’ont aucun rapport avec les insurgés. « D’ailleurs, ajoute-t-il, croyant les sauver ainsi, ce sont des étrangers, des Polonais, — Ah ! ils sont Polonais, répond l’officier, cela suffit ! » Et ils sont fusillés. C’étaient MM. Rozwadowski et Schweitzer, deux débris de notre émigration de 1831, vieillards tout à fait estimables, paisibles, pieux, et d’une sévérité de mœurs presque ascétique. L’un d’eux, M. Schweitzer, avait son neveu servant comme lieutenant dans l’armée de Versailles, il lui tardait de le revoir ; les derniers jours, il demandait souvent