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Ils y prirent place et s’élevèrent à l’instant vers le ciel constellé.

Dois-je dire que le troubadour fit honneur à la collation de sa prévoyante conductrice ?

Lorsqu’il eut apaisé sa faim, qu’il eut humecté de vin pur sa gorge altérée, il crut devoir remercier :

— Madame, je vous suis reconnaissant de m’avoir fait goûter des choses succulentes et ignorées. Je vous dois la vie et le plaisir d’assouvir, pour la première fois, le besoin animal de manger.

Marjolaine ne répondit rien et ils voyagèrent longtemps en silence parmi les étoiles innombrables.

À la fin, ils arrivèrent au Pays des Songes, et le char vint se poser dans une grande prairie semée de pâquerettes et de boutons d’or. Le soleil radieux chauffait une atmosphère chargée de parfums délicats.

Dans ce pays charmant, les fleurs s’inclinaient au passage de la Fée et les oiseaux chantaient son charme et sa beauté. Au milieu de la prairie s’élevait le palais de marbre blanc et rose où les rayons de soleil se jouaient.

Ce monument grandiose n’avait rien de massif, et Amaury eut la sensation bizarre de sa légèreté et de son inconsistance semblable à celle des nuages se réunissant, se déchirant, s’agglomérant en mille formes diverses et sans cesse renouvelées.

Tel était le domaine de la Fée Marjolaine où la matière se faisait fluide et le corps plus léger.

Un immense bonheur avait envahi la poitrine du jeune homme ; le souvenir des jours passés ici-bas quittait sa mémoire et en son cœur renaissait la divine candeur de son enfance.