Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/149

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XII.


Tous deux étaient sur le même trottoir, ils se regardèrent pendant la moitié d’une minute : Christus crut devenir fou : des flammes, des vertiges et comme un fleuve bouillonnant d’idées traversèrent son cerveau. Il s’imagina être transporté dans la maison qu’habitait la dame ; il marcha à sa suite, sur des tapis plus moelleux que ceux que l’on foule avec le pied des rêves ; toutes les riches futilités de la mode brillèrent accrochées aux murailles, posées sur des étagères, ornant les cheminées de marbre et se réfléchissant dans d’immenses glaces aux cadres d’or mat et brillant. Il se trouva là près d’elle, au milieu d’un groupe d’hommes bien mis et de femmes aussi belles qu’elle. Elle se joua et se moqua de lui qui ne pouvait tout de suite effacer le hâle de ses joues brunies ni les callosités de ses mains nerveuses. Il se sentit froissé par des regards poliment insultants, agacé par des mots à double entente qu’il ne pouvait relever ; blessé jusqu’au cœur par des paroles