Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/150

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en apparence mielleuses et bienveillantes. Il voulut massacrer tous ces dandys pour paraître moins ridicule aux yeux de leurs femmes. Ses mauvais instincts se réveillèrent tous à la fois : la vanité, l’orgueil mal placé, l’ambition des petites choses rétrécirent son âme et la serrèrent comme dans un étau. L’ouvrier heureux, paisible, simple et bon fit place à l’homme du monde hypocrite, affecté. Il souffrit en ce moment comme jamais il ne souffrit.

Il se tenait sur le trottoir sans rien voir, ni rien entendre, absorbé qu’il était dans ses rêves et son adoration.

— Place, s’il vous plaît, paysan ! dit tout à coup une voix de valet béate et goguenarde.

Christus se retourna et vit un domestique en demi-livrée bleu et or.

Il laissa machinalement passer le domestique, se frotta les yeux comme un homme qui s’éveille, se secoua et ne sut point jusqu’à ce qu’il l’eût perdue de vue détacher les yeux de la dame qui s’éloignait droite et fière en traînant derrière elle les amples plis de sa longue robe de soie.

Un moment suffit cependant pour dissiper ce mauvais rêve.

— Çà, dit-il alors en se riant au nez lui-même, j’ai songé à çà, allons donc !