Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/247

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que le pain & le fromage, les réduire à néant ! Dans quel gouffre puant, infect abominable nous fait-on choir maintenant ? Luther, ce sale Luther, ce bœuf enragé, triomphe en Saxe, en Brunſwick, en Lunebourg, en Mecklembourg ; Brentius, le breneux Brentius, qui vécut en Allemagne de glands dont les cochons ne voulaient pas, Brentius triomphe en Wurtemberg ; Servet le Lunatique, qui a un quartier de lune dans la tête, le trinitaire Servet, règne en Poméranie, en Danemark & en Suède, & là il oſe blaſphémer la sainte, glorieuſe & puiſſante Trinité. Oui. Mais on m’a dit qu’il a été brûlé vif par Calvin, qui ne fut bon qu’en cela, oui par le puant Calvin qui sent l’aigre ; oui, avec son muſeau long d’une outre ; face de fromage, avec des dents grandes comme des pelles de jardinier. Oui, ces loups se mangent entre eux ; oui, le bœuf de Luther, le bœuf enragé, arma les princes d’Allemagne contre l’anabaptiſte Munzer, qui fut bonhomme, dit-on, & vivait selon l’Évangile. Et on a entendu par toute l’Allemagne les beuglements de ce bœuf, oui !

« Oui, & que voit-on en Flandre, Gueldre, Friſe, Hollande, Zélande ? Des Adamites courant tout nus dans les rues ; oui, bonnes gens, tout nus dans les rues, montrant sans vergogne leur viande maigre aux paſſants. Il n’y en eut qu’un, dites-vous ; — oui, — paſſe, — un vaut cent, cent valent un. Et il fut brûlé, dites-vous, & il fut brûlé vif, à la prière des calviniſtes & luthériens. Ces loups se mangent, vous dis-je !

« Oui, que voit-on en Flandre, Gueldre, Friſe, Hollande, Zélande ? Des Libertins enſeignant que toute servitude eſt contraire à la parole de Dieu. Ils mentent, les puants hérétiques ; il faut se soumettre à la sainte mère Égliſe romaine. Et là, dans cette maudite ville d’Anvers, le rendez-vous de toute la chiennaille hérétique du monde, ils ont oſé prêcher que nous faiſons cuire l’hoſtie avec de la graiſſe de chien. Un autre dit, c’eſt ce gueux aſſis sur ce pot de nuit, à ce coin de rue : « Il n’y a pas de Dieu, ni de vie éternelle, ni de réſurrection de la chair, ni d’éternelle damnation. » « On peut, dit un autre, là-bas, d’une voix pleurarde, on peut baptiſer sans sel, ni saindoux, ni salive, sans exorciſme & sans chandelle. » « Il n’y a point de purgatoire, dit un autre. » Il n’y a point de purgatoire, bonnes gens ! Ah ! il vaudrait mieux pour vous avoir commis le péché avec vos mères, vos sœurs & vos filles, que de douter seulement du purgatoire.

« Oui, & ils lèvent le nez devant l’Inquiſiteur, le saint homme, oui. Ils sont venus à Belem, près d’ici, à quatre mille calviniſtes, avec des hommes armés, des bannières & des tambours. Oui, Et vous sentez d’ici la fumée