billet signé Joos Damman. Parmi les dépouilles du cadavre d’Hilbert Ryviſh, je trouvai en la gibecière du mort une autre lettre à lui adreſſée par le dit Joos Damman, accuſé préſent devant nous. Je les ai toutes deux gardées par devers moi, afin qu’au moment opportun, qui eſt celui-ci, vous puiſſiez juger l’obſtination de cet homme & l’abſoudre ou condamner suivant le droit & la juſtice. Ici eſt le parchemin trouvé dans la gibecière ; je n’y touchai point & ne sais s’il eſt ou non liſible.
Les juges furent alors dans une grande perplexité.
Le bailli eſſaya de défaire la boule de parchemin ; mais ce fut vainement, & Joos Damman riait.
Un échevin dit alors :
— Mettons la boule dans l’eau & enſuite devant le feu. S’il s’y trouve quelque myſtère d’adhérence, le feu & l’eau le réſoudront.
L’eau fut apportée, le bourreau alluma un grand feu de bois dans le champ ; la fumée montait bleue dans le ciel clair, à travers les branches verdoyantes du tilleul de juſtice.
— Ne mettez point la lettre dans le baſſin, dit un échevin, car si elle eſt écrite avec du sel ammoniac détrempé dans l’eau, vous effacerez les caractères.
— Non, dit le chirurgien qui était là, les caractères ne s’effaceront point, l’eau amollira seulement l’enduit qui empêche d’ouvrir cette boule magique.
Le parchemin fut trempé dans l’eau, &, s’étant amolli, fut déplié.
— Maintenant, dit le chirurgien, mettez-le devant le feu.
— Oui, oui, dit Nele, mettez le papier devant le feu ; meſſire chirurgien eſt sur la route de la vérité, car le meurtrier pâlit & tremble des jambes.
Sur ce, meſſire Joos Damman dit :
— Je ne pâlis ni ne tremble, petite harpie populaire qui veux la mort d’un noble homme ; tu ne réuſſiras point, ce parchemin doit être pourri, après seize ans de séjour dans la terre.
— Le parchemin n’eſt point pourri, dit l’échevin, la gibecière était doublée de soie ; la soie ne se conſomme point dans la terre, & les vers n’ont point traverſé le parchemin.
Le parchemin fut remis devant le feu.
— Monſeigneur bailli, Monſeigneur bailli, diſait Nele, voici devant le feu l’encre apparente : commandez qu’on liſe l’écrit.