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LES ANCIENS CANADIENS.

Assis au bout d’une table, capot bas, les manches de la chemise retroussées jusqu’aux coudes, son éternel couteau plombé à la main, il hachait avec fureur un gros pain de sucre d’érable, tout en activant deux autres domestiques occupés à la même besogne. Il courait ensuite chercher la fine fleur et les œufs, à mesure que la pâte diminuait dans les bassins, sans oublier pour cela la table aux rafraîchissements, afin de s’assurer qu’il n’y manquait rien ; et un peu aussi pour prendre un coup avec ses amis.

Jules et Arché passèrent de la cuisine à la boulangerie, où l’on retirait une seconde fournée de pâtés en forme de croissants, longs de quatorze pouces au moins : tandis que des quartiers de veau et de mouton, des socs et côtelettes de porc fais, des volailles de toute espèce, étalés sur des casseroles, n’attendaient que l’appoint du four pour les remplacer. Leur dernière visite fut à la buanderie, où cuisait, dans un chaudron de dix gallons, la fricassée de porc frais et de mouton, qui faisait les délices surtout des vieillards dont la mâchoire menaçait ruine.

— Ah çà ! dit Arché, c’est donc un festin de Sardanapale de mémoire assyrienne ! un festin qui va durer six mois !

— Tu n’en as pourtant vu qu’une partie, dit Jules ; le dessert est à l’avenant. Je croyais, d’ailleurs, que tu étais plus au fait des usages de nos habitants. Le seigneur de céans serait accusé de lésinerie, si, à la fin du repas, la table n’était aussi encombrée de mets que lorsque les convives y ont pris place. Lorsqu’un plat sera vide, ou menacera une ruine prochaine, tu le verras aussitôt remplacé par les servants (d).

— J’en suis d’autant plus surpris, dit Arché, que