Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/24

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pour la perte d’un chapeau, d’un gilet et d’autres vêtements[1]. Eh bien, le premier mouvement de colère passé, je finis par en rire ; et si je lui garde un peu de rancune, c’est de m’avoir escamoté ce joli tour que j’aurais eu tant de plaisir à faire à Derome, avec sa tête toujours poudrée à blanc. Quant à Létourneau, comme il était trop simple pour avoir inventé cette espièglerie, je me contentai de lui dire : « Bienheureux les pauvres d’esprit », et il se sauva tout fier du compliment, content, après tout, d’en être quitte à si peu de frais.

Maintenant, mon cher Arché, continua Jules, capitulons : je suis bon prince, et mes conditions seront des plus libérales. Je consens, pour te plaire, à retrancher, foi de gentilhomme, un tiers des quolibets et des espiègleries que tu as le mauvais goût de ne pas apprécier. Voyons ; tu dois être satisfait, sinon tu es déraisonnable ! Car, vois-tu, je t’aime, Arché ; aucun autre que toi n’obtiendrait une capitulation aussi avantageuse.

De Locheill ne put s’empêcher de rire, en secouant un peu le gamin incorrigible. Ce fut après cette conversation que les deux enfants commencèrent à se lier d’amitié : Arché, d’abord, avec la réserve d’un Écossais ; Jules, avec toute l’ardeur d’une âme française.

Quelque temps après cet entretien, environ un mois avant la vacance qui avait alors lieu le quinze août, Jules prit le bras de son ami, et lui dit  :

  1. Pas un seul, hélas ! de ceux qui faisaient retentir les salles, les corridors et les cours du séminaire de Québec, lorsqu’un semblable tour fut joué à l’auteur, à sa première entrée dans cette excellente maison d’éducation, n’est aujourd’hui sur la terre des vivants.