Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
LES PLAINES D’ABRAHAM.

Jules d’Haberville, qui s’était déjà distingué à la première bataille des plaines d’Abraham, faisait alors partie d’une des cinq compagnies commandées par le brave capitaine d’Aiguebelle, qui sur l’ordre du général de Lévis abandonnèrent d’abord le moulin de Dumont, attaqué par des forces supérieures. Jules, blessé grièvement par un éclat d’obus, qui lui avait cassé le bras gauche, refusa de céder aux instances de ses amis, qui le pressaient instamment de faire panser une blessure dont le sang coulait avec abondance ; et se contentant d’un léger bandage avec son mouchoir, il chargea de nouveau, le bras en écharpe, à la tête de sa compagnie, lorsque le général, jugeant l’importance de s’emparer coute que coute d’un poste dont dépendait l’issu du combat, ordonna de reprendre l’offensive.

Presque toute l’artillerie du général Murray était dirigée de manière à protéger cette position si importante, lorsque les grenadiers français l’abordèrent de nouveau au pas de charge : les boulets, la mitraille décimaient leurs rangs qu’ils reformaient à mesure avec autant d’ordre que dans une parade : cette position fut prise et reprise plusieurs fois pendant cette mémorable bataille, où chacun luttait de courage. Jules d’Haberville, « le petit grenadier, » comme l’appelaient ses soldats, emporté par son ardeur malgré sa blessure, s’était précipité, l’épée à la main, au milieu des ennemis, qui lâchèrent prise un instant ; mais à peine les Français s’y étaient-ils établis, que les Anglais, revenant à la charge en plus grand nombre, s’emparèrent du moulin, après un combat des plus sanglants.

Les grenadiers français, mis un instant en désordre, se reformèrent de nouveau à une petite distance sous