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LES ANCIENS CANADIENS.

Fâché de t’avoir fait attendre.

— Comment ! répliquai-je ; j’arrive à l’instant même.

— Mon domestique, fit-il, est pourtant venu m’éveiller, il y a environ un quart d’heure, en me disant de me dépêcher, que Monsieur Couillard se mourrait.

Était-ce une hallucination produite par l’inquiétude qu’éprouvait le prêtre sur l’état alarmant d’un malade qu’il chérissait ? Était-ce l’ange de la mort, faisant sa ronde nocturne, qui s’arrêta au chevet du zélé serviteur du Très-Haut pour lui envoyer une dernière consolation qu’il implorait ? Sa mission funèbre ne fut guère interrompue, car à ces mots sublimes prononcés par le prêtre : « Partez, âme chrétienne, au nom du Dieu Tout-Puissant qui vous a créée ! » cette belle âme s’envola au ciel sur les ailes du messager de Jéhovah !

(f) Cette note peut être utile à plusieurs personnes dans certaines circonstances critiques.

Je puis affirmer que la population mâle de la cité de Québec, à quelques exceptions près, savait nager, il y a soixante ans. Quand la marée était haute le soir pendant la belle saison, les grèves étaient couvertes de baigneurs depuis le quai de la Reine, maintenant le quai Napoléon, jusqu’aux quais construits récemment sur la rivière Saint-Charles, à l’extrémité ouest du Palais. Quant à nous, enfants, nous passions une partie de la journée dans l’eau, comme de petits canards. L’art de la natation était, d’ailleurs, alors très simplifié : voici ma première et ma dernière leçon.

J’avais près de neuf ans, et je commençais à barboter très joliment au bord de l’eau, en imitant les grenouilles, sans résultat notable. La raison en était bien simple ; le volume d’eau n’était pas suffisant pour me faire flotter.

Je sortais un jour de l’école, à quatre heures de relevée, lorsque j’entendis, dans la rue de la Fabrique, la voix d’un gamin en chef qui s’égosillait à crier : cook ! cook ! C’était un cri de ralliement, dont il m’est difficile de tracer l’origine ; perte très précieuse, je l’avoue, pour la génération actuelle. Si j’osais néanmoins émettre une opinion sur une question aussi importante, je crois que ce cri venait d’un jeu introduit par les enfants anglais, et que voici : un de nous élu roi, par acclamation, pendant une belle soirée de l’été, s’asseyait majestueusement, disons, sur les marches de l’église des Récollets, remplacée par le Palais de Justice actuel ; et de là envoyait ses sujets à tels postes qu’il lui plaisait d’assigner aux coins des rues adjacentes ; mais à l’encontre des potentats de tous les pays du monde, il agissait, généralement avec assez d’équité pour que les plus grands se trouvassent les plus éloignés de son trône. Il y avait quelquefois peut-être de la partialité ; mais quel souverain, ou même quel gouvernement constitutionnel, peut se flatter d’en être exempt ?

Chacun était au poste à lui assigné ; le roi criait à s’époumoner :