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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/376

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LES ANCIENS CANADIENS.

égards : nous étions tous alors d’une témérité qui me fait frémir maintenant. Si l’un de nous disait : vous n’êtes pas capables de nager jusqu’à ce navire ancré dans la rade ; rien n’empêchait les autres d’accepter le défi ; ni la marée contraire, ni le vent, ni même la tempête. Il ne faut pas néanmoins en conclure que l’art de la natation doit être négligé. En voici encore un exemple entre mille.

Je me promenais, étant enfant, sur le fleuve Saint-Laurent, dans un bien petit canot, avec un de mes jeunes amis, lorsqu’en nous penchant tous deux par inadvertance sur un des bords de la légère embarcation, nous la fîmes chavirer. Renversés en arrière, nous fîmes une culbute qui nous procura l’agrément de faire la connaissance de quelques poissons, à deux ou trois brasses de profondeur, avant de reprendre l’équilibre pour remonter à la surface de l’eau ; mais loin d’être déconcertés, ce ne fut qu’un nouveau surcroît de jouissance pour nous. Aussi notre premier mouvement fut de rire aux éclats en nageant vers notre canot et vers nos chapeaux que le courant emportait. Après mûre délibération, nous convînmes de faire un paquet de nos hardes, savoir : gilets, chaussures, chapeaux ; et, à l’aide de nos cordons de souliers, de les déposer sur la quille de la petite barque, transformée en dos d’âne, avec son bât pour l’occasion. La marée aidant, nous réussîmes à remorquer le canot jusqu’à terre. Nous n’avancions guère à la vérité, et ça nous prit beaucoup de temps, mais nous avions un endroit de refuge, et nous accrochant à la barque quand nous étions fatigués.

Voilà un exemple frappant de l’utilité de savoir nager : ce qui ne fut pour nous qu’une partie de plaisir aurait probablement été un accident fatal à d’autres qui, dans notre position, auraient ignoré cet art utile.

(g) Le capitaine Demeule, de l’Île-d’Orléans, qui fréquentait les mers du sud, me racontait, il y a cinquante ans, qu’une semblable aventure lui était arrivée.

(h) Un ancien habitant, auquel on offrait de la volaille à un repas, cria : ce sont des vêtes ! parlez-moi d’un bon soc de cochon, ou d’une bonne tiaude. Ce dernier mets est composé d’un rang de morue fraîche et d’un rang de tranches de lard, superposés alternativement, et qu’on fait étuver. L’origine en est hollandaise.

(i) Les scotch-reels, que les habitants appellent cos-reels, étaient, à ma connaissance, dansés dans les campagnes, il y a soixante-et-dix ans. Les montagnards écossais, passionnés pour la danse comme nos Canadiens, les avaient sans doute introduits peu de temps après la conquête.

(j) Quoique ami du progrès, je ne puis m’empêcher d’avouer qu’il y