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LES ANCIENS CANADIENS.

qu’un étonnement mêlé de stupeur, mais quand il le vit disparaître sous l’eau, il poussa ce cri délirant que fait une tendre mère à la vue du cadavre sanglant de son fils unique ; et en proie à une douleur insensée, il allait se précipiter dans le torrent, quand il se sentit étreint par les deux bras de fer de José.

Supplications, menaces, cris de rage et de désespoir, coups désespérés, morsures, tout fut inutile pour faire lâcher prise au fidèle serviteur.

— C’est bon, mon cher Monsieur Jules, disait José : frappez, mordez, si ça vous soulage, mais au nom de Dieu, calmez-vous ! votre ami va bientôt reparaître, vous savez qu’il plonge comme un marsouin et qu’on ne voit jamais l’heure qu’il reparaisse, quand une fois il est sous l’eau ! calmez-vous, mon cher petit Monsieur Jules, vous ne voudriez pas faire mourir ce pauvre José qui vous aime tant, qui vous a tant porté dans ses bras ! votre père m’a envoyé vous chercher à Québec ; je réponds de vous corps et âme, et il n’y aura pas de ma faute, si je manque à vous ramener vivant. Sans cela, voyez-vous, Monsieur Jules, une bonne balle dans la tête du vieux José… Mais, tenez, voilà le capitaine qui hâle l’amarre à force de bras ; et soyez sûr que monsieur Arché est au bout et plein de vie.

En effet, Marcheterre aidé de ses amis, s’empressait, tout en descendant le long de la grève, de retirer, à fortes et rapides brassées, la corde à laquelle il sentait un double poids.

Il leur fallut de grands efforts pour dégager de Locheill, une fois en sûreté sur la plage, de l’étreinte de Dumais qui ne donnait pourtant aucun signe de vie. Arché, au contraire, délivré de cette étreinte