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LES ANCIENS CANADIENS.

sublime qui vous a fait risquer votre vie pour sauver celle d’un inconnu, ou de ce courage, de ce sang-froid admirable, qui vous ont fait réussir ! Vous allez, je le sais, embrasser la carrière des armes ; vous possédez toutes les qualités requises dans votre nouvelle carrière. Soldat moi-même, je vous prédis de grands succès. À la santé de M. de Locheill, le héros du jour !

La santé du jeune Écossais fut bue avec enthousiasme.

Arché, après avoir remercié, ajouta avec beaucoup de modestie.

— Je suis vraiment confus de tant de louanges pour une action aussi simple. J’étais probablement la seule personne qui sût nager, parmi les spectateurs : car tout autre en aurait fait autant. On prétend, ajouta-t-il en souriant, que vos femmes sauvages jettent leurs enfants nouveau-nés dans un lac, ou dans une rivière, leur laissant ensuite le soin de gagner le rivage : c’est une première leçon de natation. Je suis porté à croire que nos mères dans les montagnes d’Écosse suivent cette excellente coutume : il me semble que j’ai toujours su nager.

— Encore farceur ce M. Arché ! dit le capitaine. Quant à moi il y a cinquante ans que je navigue, et je n’ai jamais pu apprendre à nager (f) : ce n’est pourtant pas faute d’avoir tombé à l’eau plus qu’à mon tour, mais j’avais toujours la chance de me raccrocher quelque part. À défaut d’un objet quelconque à ma portée, je jouais des pattes comme font les chats et les chiens ; et tôt ou tard quelqu’un me repêchait, puisque je suis ici.

Ceci me rappelle une petite aventure de ma vie de marin. Mon navire était ancré sur les bords du Mississipi. Il pouvait être neuf heures du soir, après