Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/350

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paroisse de Montréal qu’il nomma, vivait encore ; et sur la réponse affirmative des émissaires chargés de faire des perquisitions à cet égard, il manda auprès de lui cet individu. Jean-Baptiste, bien étonné d’un tel message de la part d’un gouverneur, se rendit néanmoins à l’ordre ou à l’invitation qu’il avait reçu. Deux hommes qui s’étaient rencontrés par hasard un moment sur les terres du Canada, trente-deux ans auparavant, dans toute la vigueur du jeune âge se trouvaient alors en présence dans leur vieillesse.

— Vous rappelez-vous, dit sir James, d’avoir traversé dans un petit canot, à la rive opposée du fleuve Saint-Laurent, en l’année 1775, un jeune officier anglais poursuivi par des soldats américains ?

— Oh ! oui, dit l’habitant, c’était même un joli petit officier, qui m’a payé généreusement.

— Eh bien ! dit sir James, c’est à moi que vous avez rendu un service que je n’ai jamais oublié, car sans vous j’aurais été pris par l’ennemi.

— Si c’est vous, mon gouverneur, fit Jean-Baptiste, vous avez diablement profité, car vous étiez bien fluet alors.

Sir James, après avoir beaucoup ri de la réflexion de son interlocuteur, s’informa avec bonté de ses affaires, qui n’étaient pas florissantes, et donna ordre de lui acheter une belle ferme, avec animaux et ustensiles d’agriculture ; il lui fit en outre présent d’une somme assez ronde et le renvoya riche, de pauvre qu’il était auparavant. Cet acte de reconnaissance et de générosité ne peut sortir d’un mauvais cœur. C’est feu le