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la grotte

à ses hôtes le modèle de tel portrait qui leur paraissait plus intéressant, et leur racontait brièvement l’histoire de tous ces humbles souvenirs qu’elle avait illustrés. Tel petit ruisseau était celui où, enfant, sa mère lui apprenait à pêcher la truite ; cet arbre magnifique avait été le témoin de ses premières leçons : c’est là, que pendant l’été, son père l’amenait, pour lui enseigner la lecture et l’écriture… Choisissant parmi les albums le plus fané de tous : « Voilà mon premier livre ». Et le feuilletant avec émotion ; « Il a été fait par mon père regretté. » C’était l’alphabet complet, patiemment dessiné. Sur les dernières pages, l’élève avait commencé à tracer des caractères.

Lorsque le gibier fut à point, l’aimable hôtesse invita ses convives. Le repas commença joyeusement.

Depuis un an que son père était mort, lentement miné sous ses yeux, par une langueur incurable, l’orpheline ne s’était point remise de l’ébranlement que lui avait causé son chagrin. Une vieille femme qui passait pour sorcière, la soignait avec sollicitude ; mais son mal était d’avoir vingt ans, d’être Française et ensevelie dans cette barbarie. Le remède était de la rendre à la civilisation dont elle avait innés tous les raffinements.