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du Pais de Liége.

l’État, pour réprimer les abus qui s’étoient introduits, à la charge & à l’opreſſion du Peuple, & on lui donna le pouvoir de juger en dernier reſſort.

Ce nouveau Tribunal abuſa certainement, de ſon pouvoir à ſon tour, & non content d’être le Juge ſouverain des Oficiers & des Conſeillers du Prince, voulut l’être du Prince lui-même, & ne craignit point en mil trois cent ſoixante-quatorze de condamner Jean d’Arkel à reſtituer une ſomme, qu’il prétendit avoir été injuſtement perçuë par cet Évêque ; mais la vengeance que ſes Succeſſeurs tirérent de cet atentat, ne ſervit qu’à confirmer le pouvoir légitime du Tribunal, qui ſubſista depuis, & qui ſubſiſte encore aujourd’hui[1].

Dès que le Peuple eut la liberté de ſe choiſir deux Oficiers municipaux, il crut qu’il avoit celle de procéder à l’Élection de la maniére la plus convenable, ſinon à ſes intérêts, du moins à ſa capacité. Cette prétention n’avoit rien de choquant ; ce ſecond droit paroiſſoit émaner naturellement du premier ; mais un Prince plus clairvoïant que le Peuple, s’imagina apercevoir dans les Élections, des abus, que le Peuple n’y voïoit point, ou afectoit de n’y point voir, & fit à ce ſujet un Édit, par lequel il en preſcrivit & régla la forme.

Cet Édit qui fut fait, en mil quatre cent vingt-quatre par Jean de Hinsberg, fut exécuté pendant quelque tems, mais ſon exécution aiant fait connoitre que l’ancienne forme étoit préférable à la nouvelle, le Peuple quita celle-ci, pour reprendre celle-là.

Lorſqu’en mil cinq cent quarante-quatre Charles V. honnora de ſa préſence la Ville de Liége, les Magiſtrats lui préſentérent les Clefs qu’il reçût, & qu’il leur remit enſuite, en leur diſant qu’ils continuaſſent de les garder avec la même fidélité, qu’ils avoient fait par le paſſé.

Ce langage équivoque d’un Prince ſi éclairé & ſi jaloux des droits de la Souveraineté, fit croire au Peuple que c’étoit à lui, & non point au Prince de Liége,

  1. Avec cette diférence que l’on a la voie de recours au Prince contre les jugemens rendus par le Tribunal des Vingt-deux. Je m’expliquerai plus au long en l’article particulier de ce Tribunal.