Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/121

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Et vous m’assassinez, en empeschant ma mort.
Dieux ! Par quel sentiment, empeschez vous ma gloire ?
Je veux vivre, dit-il, mais dans vostre memoire :
Et si je puis finir, par un destin si beau,
Le thrône a moins d’éclat que n’aura mon tombeau.
L’amitié vous aveugle, ou vous rend peu sincere,
(Dit-elle en soupirant dans sa douleur amere)
Et si vous perissiez, comme vous le tentez,
Mes jours, assurément, seroient trop acheptez.
Ha, dit-il, vostre perte, ô beauté sans seconde,
Se devroit empescher par la perte du monde :
Et pour vous conserver, ô chef-d’œuvre des cieux,
C’est trop peu que le sang que j’aporte en ces lieux.
En le voulant donner, vostre amour est insigne,
Mais si je le souffrois, je n’en serois pas digne,
Dit-elle, et disputant vos jours et mon trespas,
Vous combatez long-temps, mais vous ne vaincrez pas.
A ces mots se tournant vers toute l’assemblée,
Qui d’un si beau combat, est ravie, et troublée ;
Elle luy fait sçavoir que l’habit la deçoit ;
Et que c’est en ce jour un homme qu’elle voit.
Ayant fait ce discours d’une voix haute et claire,
L’estonnement redouble ; on ne sçait plus que faire ;
On ne sçait plus s’il faut laisser vivre l’un d’eux ;
Ou sur le mesme autel, les immoler tous deux.
L’advis est partagé ; la chose est en balence ;
Mais l’oracle parlant, nous impose silence :
Et nous