Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/122

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oyons enfin, que les dieux en courroux,
Sans verser plus de sang, sont satisfaits de nous.
Qu’une haute vertu, leur fait tomber les armes ;
Qu’ils ne demandent plus, ny de sang, ny de larmes ;
Et qu’ils veulent encore, apres nos maux finis,
Qu’on ne separe point, deux cœurs si bien unis.
Alors jusques au ciel, montent les cris de joye ;
Et le ciel appaisé, prend les vœux qu’on envoye ;
Et nos soûpirs meslez à l’odeur de l’encens,
Sont l’innocent tribut de nos cœurs innocens.
L’on chante à son honneur ; l’on pleure d’allegresse ;
Tout le monde veut voir l’amant et la maistresse ;
Tout le monde les loüe ; et jusqu’au lasche amant,
Tout semble conspirer à leur contentement.
J’aprouve leur amour ; tous deux je les embrasse ;
Et pour faire cesser la commune disgrace,
Le prestre de nos dieux, n’ayant plus de rigueur,
De ces deux nobles cœurs, fait alors un seul cœur.
Depuis cela, seigneur, une ame à l’autre unie,
N’a jamais veu troubler cette belle harmonie :
Leur estime est esgale, et leur amour esgal ;
Et leur souverain bien n’est meslé d’aucun mal.
Mais devant obeïr à vos ordres suprêmes,
Ils n’ont pû me quitter, ny se quitter eux-mesmes :
Et nous venons tous trois, poussez d’un beau desir,
Si nous mourons pour vous, mourir avec plaisir.
Ha, luy respond ce prince, une si belle vie,
Par les mains de la mort ne sera point ravie !
Et le dieu